Maladies Tropicales Négligées, focus sur la leishmaniose et l’envenimation par morsures de serpent

Visuel_JM_MNT

Célébrée chaque année le 30 janvier, la Journée mondiale des Maladies Tropicales Négligées (MTN) vise à sensibiliser le public aux conséquences néfastes de ces maladies, qui affectent principalement les populations les plus démunies vivant dans les zones tropicales, et à soutenir les efforts pour les éliminer.

Ces MTN forment un groupe de vingt maladies infectieuses causées par des parasites, des bactéries ou des virus et sont souvent transmises par des insectes vecteurs (moustiques, mouches, etc.). Ces maladies touchent des milliers de personnes chaque année et nécessitent souvent des soins intensifs.

Il est essentiel de mettre en lumière ces MTN afin qu’elles soient davantage prises en considération dans les politiques de santé publique. Dans cet article, nous nous focaliserons sur 2 d’entre elles présentent en Guyane : leishmaniose et envenimation par morsures de serpent.

 

 

Leishmaniose

Qu’est-ce que la leishmaniose ?

La leishmaniose est une maladie infectieuse vectorielle causée par un parasite protozoaire (organisme unicellulaire se reproduisant par division cellulaire, pouvant proliférer dans le corps humain) du genre Leishmania transmis par la piqûre d’un insecte, le phlébotome (ex : les yinyins).

Il en existe trois principaux types :

  • La leishmaniose cutanée (LC), forme la plus courante touchant la peau et pouvant laisser des cicatrices stigmatisantes ;
  • La leishmaniose viscérale (LV) atteignant les organes internes (foie et rate notamment) ;
  • La leishmaniose muco-cutanée ou cutanéo-muqueuse (LCM) affectant la peau et les muqueuses.

Comment elle se manifeste ?

Les symptômes de la leishmaniose varient selon la forme de la maladie :

  • La forme cutanée se manifeste par des ulcères cutanés, de la fièvre et des ganglions lymphatiques enflés.
  • La forme viscérale se manifeste par une fièvre prolongée, une perte de poids, une anémie, une augmentation du volume du foie et de la rate.
  • La forme muco-cutanée, quant à elle, se manifeste par des ulcères au niveau du nez, de la bouche ou de la gorge.

Quels sont les chiffres ?

Cette maladie parasitaire sévit dans de nombreuses régions du monde et touche principalement les zones chaudes et humides : l’Amérique centrale et du Sud, dans le bassin méditerranéen, en Afrique de l’Est, au Moyen-Orient et en Asie centrale.

  • Au niveau mondial, on estime que 98 pays sont touchés par la maladie ; 700 000 à 1 million de nouveaux cas diagnostiqués chaque année. Parmi ces chiffres, on trouve une majorité de cas de leishmaniose cutanée (600 000 et 1 million de cas). 50 000 à 90 000 cas sont de forme viscérale. Plus de la moitié de ces cas ne sont pas notifiés à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Sa mortalité, estimée à 50 000 décès annuels, est principalement due à cette forme.
  • En France hexagonale, la leishmaniose est présente de manière stable dans certaines régions, notamment sur les bords de la mer Méditerranée. Entre 1998 et 2020, 517 cas de leishmanioses autochtones ont été enregistrés au total, principalement des formes viscérales dues au parasite Leishmania infantum (79%), et 1 725 cas importés (hors Guyane), principalement des leishmanioses cutanées venant du Maghreb.
  • En Guyane, la leishmaniose est également bien présente. La forme cutanée (LC) en est la plus fréquente. Entre 2003 et 2020, 4126 cas de leishmaniose cutanée et muco-cutanée ont été rapportés. La LC présente des chiffres qui varient annuellement en fonction de la pluviométrie.

Quels facteurs de risque ?

Les facteurs de risque de la leishmaniose sont nombreux :

  • Facteurs environnementaux : la présence et la prolifération des phlébotomes, les changements climatiques, les activités humaines (déforestation, urbanisation, déplacements de population…), les habitations dans les zones forestières ;
  • Facteurs socio-économiques : la pauvreté et les conditions de vie précaires (logement insalubre, malnutrition), le manque d’accès aux soins (diagnostic et traitement tardifs) ;
  • Facteurs liés à la personne infectée : un système immunitaire affaibli (personnes immunodéprimées), certaines maladies concomitantes, les activités en extérieur (personnes vivant, travaillant ou se promenant dans des zones endémiques) ;
  • Facteurs liés aux animaux : les chiens et certains animaux sauvages (réservoirs de la maladie) peuvent transmettre le parasite aux phlébotomes.

Quelles conséquences et quels traitements ?

La leishmaniose peut entraîner des conséquences multiples selon la forme de la maladie et l’organe touché. Sa gravité dépend de plusieurs facteurs, tels que le type de parasite, la localisation géographique, l’état de santé général du patient et la qualité des soins.

Un diagnostic et un traitement précoces sont essentiels pour limiter les conséquences de la maladie. Les traitements sont administrés selon ces mêmes critères. Il s’agit généralement d’injection de médicaments antiparasitaires pendant plusieurs semaines. À l’heure actuelle, il n’existe pas de vaccin ni de médicament prophylactique.

À long terme, les lésions cutanées peuvent laisser des cicatrices permanentes entraînant une stigmatisation sociale. Dans certains cas, la leishmaniose cutanée peut évoluer vers des formes plus graves, comme la leishmaniose muco-cutanée qui affecte les muqueuses du nez, de la bouche ou du pharynx. La leishmaniose viscérale peut être mortelle si elle n’est pas traitée, surtout chez les enfants et les personnes immunodéprimées.

Quelles solutions ?

Il existe des actions de prévention afin d’éviter l’infection :

  • Mesures individuelles :
    • Se protéger des piqûres de phlébotomes en portant des vêtements longs, en utilisant des répulsifs et en dormant sous une moustiquaire ;
    • Consulter régulièrement un vétérinaire afin de traiter les animaux domestiques infecté
  • Mesures collectives :
    • Lutter contre les vecteurs en éliminant les gîtes larvaires des phlébotomes et en utilisant des insecticides ;
    • Améliorer les conditions de vie des populations à risque via l’accès à l’eau potable, l’assainissement, la lutte contre la pauvreté ;
    • Sensibiliser les populations des zones à risque.

La leishmaniose est une maladie parasitaire endémique dans de nombreux pays du monde. Elle touche également la Guyane où elle représente un problème de santé publique en raison des spécificités géographiques, socio-économiques et des difficultés d’accès aux soins des populations les plus reculées et vulnérables.

La maladie présente un fort potentiel épidémique et une forte incidence (par ailleurs, sous notifiée) qui soulignent l’importance du problème et la nécessité de renforcer la prévention, le diagnostic et le traitement pour lutter contre cette maladie. Ces actions permettront de diminuer son impact sur la santé (chronicité, handicaps, décès) et les conséquences socio-économiques qui sont des freins au développement économique et social des zones touchées.

Pour aller plus loin sur cette thématique : https://theses.hal.science/tel-00590977v1/file/ThA_se_Odonne_light.pdf


Envenimation par morsures de serpent

Qu’est-ce qu’une envenimation par morsure de serpent ?

Il s’agit de l’absorption du venin par l’organisme à la suite d’une morsure d’un serpent venimeux pouvant être mortelle si elle n’est pas traitée rapidement.

Quels sont les symptômes ?

Les symptômes d’une morsure par un serpent venimeux sont variés et dépendent du type de serpent, de la quantité de venin injectée et de la santé globale de la personne touchée :

  • Traces de morsure (2 points)
  • Rougeur autour de la morsure
  • Douleurs vives et gonflement au point de morsure, pouvant s’étendre au membre touché
  • Troubles digestifs : nausées, vomissements, maux de ventre, diarrhée
  • Troubles cardiovasculaires : malaise, chute de tension, saignements
  • Difficultés respiratoires
  • Confusion mentale
  • Choc anaphylactique (possible en cas de réaction allergique au venin) pouvant entraîner la mort.

Quels sont les chiffres ?

Selon l’OMS “Les morsures de serpents constituent un problème de santé publique négligé dans de nombreux pays des régions tropicales et subtropicales. La plupart des cas surviennent en Afrique, en Asie et en Amérique Latine. L’envenimement touche les femmes, les enfants et les agriculteurs dans les communautés rurales pauvres des pays à revenu faible ou intermédiaire. La charge de morbidité est la plus élevée dans les pays ayant de faibles systèmes de santé et peu de ressources médicales.”

 

  • Dans le monde, on estime que les morsures de serpents touchent chaque année 5,4 millions de personnes, dont 1.8 à 2.7 d’envenimation et entre 81000 à 140000 décès.
  • En France hexagonale, on estime que les morsures de serpents touchent chaque année environ 2 000 personnes; 500 cas d’envenimations et environ 1 décès par an.
  • En Guyane, le serpent Bothrops atrox (Grage petits carreaux) est responsable de 80 à 90 % des cas sur le territoire. Chaque année, de nombreux cas restent non signalés en raison de l’accès limité aux soins pour certains groupes sociaux, comme les populations des communes isolées ou les orpailleurs clandestins.

Quels facteurs de risque ?

  • Facteurs environnementaux : faune abondante, forte présence de serpents venimeux, proximité entre les zones urbaines et naturelles.
  • Facteurs géographiques et sanitaires : isolement des populations dans les zones reculées, faible densité d’établissements de santé dans l’intérieur de la Guyane.
  • Facteurs humains : activités en extérieur (chasse, agriculture, exploration forestière), manque de sensibilisation et de formation sur les risques liés aux serpents.

Quelles conséquences et quels traitements ?

Les envenimations par morsure de serpent peuvent provoquer des effets graves, allant de douleurs et gonflements locaux à des complications systémiques : paralysies, hémorragies, insuffisances rénales et lésions tissulaires pouvant être à l’origine d’amputations, handicaps voire décès, si elles ne sont pas prises en charge et traitées rapidement. (Ce qui n’est pas arrivé en Guyane depuis 2017).

 

Les traitements administrés sont de 2 ordres :  

  • Injections d’antivenins : leur efficacité dépend du sérum utilisé, de l’espèce de serpents utilisée pour leur création et de la zone géographique. Elle est limitée lorsque le sérum provient d’une zone géographique différente.
  • Interventions chirurgicales : elles sont nécessaires pour traiter certaines envenimations, notamment les cas difficiles et les complications pouvant survenir à la suite de l’administration du traitement.

Comment limiter les risques ?

Différents moyens préventifs peuvent être mis en œuvre pour lutter contre les envenimations par morsure de serpent et notamment réaliser de la prévention auprès des populations, surtout celles qui sont les plus à risque ; être sur ses gardes lors de sorties, c’est-à-dire :

  • Portez des vêtements appropriés : pantalons longs, bottes hautes et chaussures fermées ; un bâton peut être utile.
  • Restez sur les sentiers balisés et évitez de vous aventurer dans les herbes hautes ou en dehors du layon.
  • Prenez garde où vous marchez : les serpents peuvent se confondre facilement avec leur environnement grâce à leur camouflage naturel.
  • Soyez prudent autour des plans d’eau : le grage petit carreaux aime particulièrement se mettre près des zones humides.
  • Gardez votre environnement bien rangé : enlevez tous les tas de bois, de roches ou d’autres cachettes potentielles de serpents.

De manière générale, renseignez-vous sur les types de serpents qui sont répandus dans votre région et leurs habitudes. Ces connaissances vous aideront à comprendre les risques et à prendre les précautions appropriées.

Que faire en cas en morsure ?

Il existe des bons réflexes à adopter afin de limiter la dissémination du venin dans l’organisme et l’aggravation des symptômes :

  • Appeler le 15 : Toutes les morsures ne provoquent pas d’envenimation, le SAMU fournira des conseils adaptés à l’état de la victime.
  • Autres gestes à adopter :
    • Prendre une photo du serpent, si possible et sans risque, pour faciliter son identification.
    • Retirer les bijoux (bagues, bracelets) pour éviter qu’ils ne compliquent l’œdème.
    • Désinfecter la plaie avec de l’eau et du savon.
    • Maintenir le membre immobile et placer la victime en position allongée, au repos.
  • Gestes à éviter absolument :
    • Poser un garrot.
    • Inciser la plaie.
    • Aspirer le venin.
    • Faire saigner la morsure.
    • S’affoler, ce qui peut aggraver la situation.

En Guyane, les chiffres des envenimations par morsure de serpent restent des estimations. Mais, les décès survenus entre 2015 et 2017 ont suscité une prise de conscience au sein de la communauté scientifique et des publics.

A l’heure actuelle, il n’y a pas encore d’antivenin adapté en Guyane. Un antivenin mexicain est utilisé pour traiter les cas graves, bien qu’il soit seulement partiellement efficace contre le grage petits carreaux. Depuis 2017, des recherches sont en cours pour développer un antivenin répondant aux besoins spécifiques au territoire. De plus, ces antivenins devraient être révisés tous les 10 ans, selon les fabricants, à cause des modifications du spectre antigénique des serpents.

Lorsque les envenimations sont prises en charge tardivement ou de manière inadéquate, cela augmente le risque de décès. Les recherches en cours devraient permettre de développer des solutions spécifiques et améliorer la prise en charge des victimes.

Pour aller plus loin sur cette thématique :

Vous pouvez contacter l’association herpétologique de Guyane Cerato qui pourra vous apporter les réponses nécessaires.

 

En conclusion, la Journée mondiale des Maladies Tropicales Négligées met en lumière des maladies souvent oubliées qui touchent les populations les plus vulnérables. En Guyane, la leishmaniose et les envenimations par morsure de serpent représentent des défis de santé publique non négligeables compte tenu de l’environnement propice au développement de ces maladies. La prévention, le diagnostic précoce et l’amélioration des traitements sont essentiels pour réduire leur impact. Des efforts continus en matière de recherche et de sensibilisation sont nécessaires pour améliorer la prise en charge des patients et limiter les conséquences socio-économiques de ces affections.


Sources leishmaniose:  

OMS : Principaux repères sur la leishmaniose

SPF / Centre national de référence des Leishmanioses : Rapport_CNRLeishmanioses_2019_avec-annexes_v7doc et Epidemiology of Leishmaniasis in endemic areas of France from 1998 to 2020 – DUMAS – Dépôt Universitaire de Mémoires Après Soutenance

Sources envenimation par morsure de serpent :

OMS : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/snakebite-envenoming

OMS : https://www.who.int/fr/campaigns/world-ntd-day

Ameli : https://www.ameli.fr/assure/sante/urgence/morsures-griffures-piqures/morsure-serpent

ARS Guyane : https://www.guyane.ars.sante.fr/media/103729/download?inline

GHT Guyane : https://www.ght-guyane.fr/chc/article/34

DarwynHealth : https://www.darwynhealth.com/injuries-and-poisoning/poisoning/bites-and-stings/snakebites/snakebite-prevention-tips-for-avoiding-encounters-with-snakes/?lang=fr

Sources photos :

Leishmania infantum : sciencedirect.com

Grage petit carreaux : https://www.ght-guyane.fr/chc/article/34